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Interview
Marillion, le 20/02/2007
Par : Powersylv




MARILLION est un groupe vraiment à part. Chantre au début des années 80 d'un renouveau du rock progressif anglais (on les a souvent comparé à GENESIS à l'époque), ils ont su trouver leur voie et proposer des albums différents mais toujours marqué de leur identité. Aujourd'hui, les musiciens sont en promotion pour Somewhere Else, un nouvel album (le 14è) qui possède son lot de belles chansons captivantes. C'est dans un hôtel parisien que le groupe nous a donné rendez-vous en fin d'après-midi. Sur les 3 musiciens présents, 2 sont là à notre arrivée : le claviériste Mark Kelly et le batteur Ian Mosley (le chanteur Steve Hogarth étant invité d'une émission de radio). C'est au volubile Ian Mosley que nous avons eu affaire ... sympathique, l'homme n'est pas avare de réponses. Posé et souriant, nous commençons notre conversation alors que les bruits alentour (ben oui, c'est le salon d'un hôtel) commençaient à se faire un peu envahissants de l'aveu même du batteur.


Powersylv (P) : Bonjour Ian. Merci de nous accorder cette petite interview. Avant d'en venir au nouveau disque, j'aimerai revenir sur le précédent album, Marbles. Es-tu satisfait de cet album ?

Ian Mosley (I) : Tout le monde semble avoir apprécié Marbles. A ma connaissance, je n'ai pas vu de critique foncièrement négative. Nous avons donc été surpris en bien que ce disque ait semblé faire une certaine unanimité. En ce qui nous concerne, c'est un disque dont nous avons eu beaucoup de plaisir à jouer les titres en live. D'ailleurs quand la tournée s'est achevée, j'aurai bien voulu qu'on continue tellement nous avons apprécié ces moments. Donc oui, Marbles a été un album qui nous a apporté beaucoup de satisfaction.

(P) : Le nouveau disque s’appelle Somewhere Else et la pochette est encore une fois très étrange, avec ce télescope, ce fond bleu. Le télescope étant un instrument fait pour voir sur une longue distance, est-ce que cet objet est lié au titre (Somewhere Else) et est-ce que ça illustre votre musique qui porte à l’évasion ?

(I) : C'est une très bonne interprétation, mais la pochette peut en avoir d'autres selon l'individu qui la regarde. En réalité, le titre "Somewhere Else" (le morceau, dont le titre a donc été choisi pour l'album) a été écrit par Steve (Hogart, chant) comme d'autres. Et il exprime l'état d'esprit de Steve lorsqu'il a écrit la chanson : son mariage s'était mal terminé, il se sentait donc un peu mal, un peu seul. Il avait donc envie d'être un peu ailleurs, de s'échapper, d'où le titre de la chanson et de l'album. Et cette image du télescope est effectivement un moyen d'illustrer cette quête d'ailleurs. Carl Glover qui s'était occupé des graphismes de Marbles (et de l'ensemble des pochettes des albums depuis 1989) a travaillé sur ce projet avec en sa possession des paroles de l'album. Il est revenu nous montrer ses travaux et lorsque nous avons vu cette pochette, nous étions tous d'accord pour dire que c'était la pochette idéale pour ce disque.

(P) : Steve est très impliqué dans l’actualité, la planète, la politique, la misère et les actions humanitaires. Est-ce qu’on retrouve cette implication dans les paroles ?

(I) : Il y a 50% des textes qui parlent de relations humaines, de sujets personnels et profonds. Puis effectivement il y a des chansons où Steve s'est attaché à une vision du monde actuel. "The Last Century For Men" parle des phénomènes généraux de l'action de l'homme sur la planète, "A Voice From The Past" évoque le sujet de la famine dans certaines parties du globe ... Steve est il est vrai attaché à ces sujets, il est d'ailleurs partie prenante dans un engagement humanitaire. Mais je pense que de nos jours, tout le monde est un peu effrayé de voir la tournure que prennent les choses autour de nous.

(P) : Comment avez-vous travaillé pour écrire ce disque ?

(I) : Nous ne sommes pas du genre à nous enfermer entre 4 murs et nous dire : "Bon, aller, faut qu'on écrive de telle ou telle façon". Nous allons en studio tranquillement sans vraiment nous poser de questions, puis nous jammons, des idées se dessinent. En fait, tout dépend de l'inspiration du moment : on peut être plusieurs mois en studio sans vraiment qu'on puisse en sortir quelque chose, ou au contraire y être pendant 2 jours et en resortir avec pleins de bonnes idées. La différence pour cet album, c'est que nous avons enregistré tous nos jams de studio, puis nous avons repéré des idées et les avons sélectionnées. On a aussi essayé divers arrangements, des fois en utilisant d'autres instruments. Michael Hunter, le producteur avec qui nous avons travaillé nous a aidé dans ce sens, c'est à lui qu'on doit la partie symphonique dans la deuxième partie de "The Last Century For Men" par exemple.

(P) : Vous comptez renouveler l'expérience ?

(I) : Oui, nous devrions. Michael a toujours été proche du groupe : il était sur la tournée Brave, celle de Afraid Of Sunlight. C'est un ingénieur, il a mixé 2 ou 3 morceaux de Marbles. Bref, il nous suit depuis 10/12 ans, et là, nous nous sommes dit qu'il était grand temps qu'il prenne vraiment sa part dans le travail de MARILLION. Nous avons aimé cette collaboration et cette façon de fonctionner donc, nous recommencerons.

(P) : J’ai crû comprendre qu’il y avait 5 morceaux qui avaient été composés pendant les sessions d’enregistrement mais qu’ils ne figuraient pas sur l’album.

(I) : Oui, c'est vrai. Là, nous avons du faire une sélection sur les 18/19 titres que nous avions composé au total. C'est très inhabituel pour nous d'avoir "trop" de titres, mais bon, nous avons un peu d'avance pour le prochain disque. Ces 5 titres sont de bonnes chansons. Il faudra patienter car il ne sortira pas je crois avant 2008.

(P) : Somewhere Else n’est pas une exception chez MARILLION dans le sens où l’on retrouve ces moments mélancoliques ("Thank You (Whoever You Are)", "Somewhere Else", "A Voice From The Past", "No Such Thing" ...). D’où vous vient ce sens mélancolique et cette inspiration ?

(I) : Question difficile. Je crois que l'aspect mélancolique que l'on peut retrouver dans nos chansons est lié à la teneur des paroles des chansons. Un titre comme "A Voice From The Past" qui traite la famine ne peut être illustrée que par ce type de musique. C'est ce mariage entre ces paroles et la musique qui en découle qui fait un morceau. A part cela, je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi nous avons pas mal de passages mélancoliques, nous écrivons et puis ... voilà :).

(P) : Est-ce qu’il y a des titres de Somewhere Else que tu affectionnes plus particulièrement ?

(I) : Lors de nos sessions studio, j'ai beaucoup aimé jouer "A Voice From The Past". A un moment, je n'avais plus entendu ce titre pendant quelques jours et on m'a remis un enregistrement de la chanson : je me la suis passée dans ma voiture, comme ça, en roulant et je me suis rendu compte que je l'aimais vraiment beaucoup. Il y a de superbes arrangements sur celle-là ... tu vois, je suis un batteur et je me rends compte que je suis un peu conditionné par les arrangements. Si les arrangements ne sont pas bons, je le ressens. Là ce n'était pas le cas. J'aime beaucoup aussi "Last Century For Men". "Thank You (Whoever You Are)" également : la mélodie est belle et le changement de tempo est super. En ce moment, je dirais donc que ce sont mes 3 morceaux préférés du disque. Remarque maintenant que j'y pense, la deuxième partie de "Somewhere Else" est super aussi ... (rires - car il se rend compte qu'il va finir par citer tous les titres du disque).

(P) : Après la sortie en 1999 de Marillion.com, vous avez créé votre propre label, Racket. Pourquoi cette décision ? Vous ne vouliez plus travailler avec l’industrie du disque ?

(I) : Cette décision a été prise après un long processus. Au début et pendant de nombreuses années, nous étions chez EMI - une major -, puis nous avons voulu essayer un label plus petit et indépendant. Car à l'époque en 1995, après Afraid Of Sunlight (dernier album chez EMI), nous vendions toujours un nombre appréciable d'albums mais nous sentions que nous n'avions plus l'importance que nous avions avant par rapport à EMI. Donc nous nous sommes dit que pour un petit label, nous serions importants. Seulement, nous n'avions pas forcément les moyens qu'il fallait dans cette petite structure et nous nous sommes rendus compte que ce n'étais pas une solution. Avec Racket Records, nous avons la main pour tout ce qui est production, relations avec les fans, etc ... Je crois que nous avons trouvé la formule qui nous convient maintenant.

(P) : Même si MARILLION évolue dans la sphère du rock progressif, l’influence du groupe va plus loin. On trouve des fans de rock classique voire de hard rock ou de heavy metal qui aiment votre musique. Comment expliques-tu cela ?

(I) : Je ne sais pas mais j'ai toujours trouvé cela fascinant. En fait, en 1985 nous avions eu un gros succès international avec "Kayleigh" et j'ai été surpris un jour de voir que le titre était numéro 1 du classement des singles du magazine Kerrang ! En fait, nous n'avons jamais vraiment compris :). Mon fils joue de la guitare, du heavy metal précisément et il aime MARILLION, particulièrement le jeu de notre guitariste (ndlr : Steve Rothery). Pour ma part, j'aime bien SYSTEM OF A DOWN. C'est un groupe original qui m'a l'air d'apporter sa griffe à tous le niveaux.

(P) : MARILLION a bientôt 25 ans et Somewhere Else est votre 14è album. Quand tu regardes toutes ces années, quels ont été les moments forts de la carrière du groupe selon toi ? Quels sont les albums qui ont été des jalons dans votre carrière ?

(I) : J'ai intégré le groupe pour ma part sur l'album Fugazi (ndlr : le deuxième album, 1984) et je me souviens que j’ai ressenti quelquechose de spécial avec le groupe. Pareil lorsque j'ai fait mon premier concert, je n'avais jamais à l'époque connu une atmosphère de ce genre. C'était magique. Le premier grand tournant dans l'histoire du groupe, ce fut l'album Misplaced Childhood (1985) et le succès phénoménal qu'il a connu alors. Parce qu'il faut savoir que si l'album ne marchait pas, EMI nous lâchait. Heureusement, c'est tout le contraire qui s'est produit :). Puis un autre grand moment fut l'arrivée de Steve Hogarth au chant en 1989 pour l'album Season's End : Steve nous a apporté un souffle nouveau, de l'énergie. L'époque de l'album Holidays In Eden (1991) fut par contre assez difficile : nous étions un peu dispersés, les fans ont trouvé l'album trop pop et celui-ci n'a pas été bien accueilli. Par contre, l'album Brave (1994) nous a soudé à nouveau : nous étions à nouveau dans le même esprit. C'est aussi un disque important pour nous.

(P) : Quelquechose de prévu pour les 25 ans du groupe ?

(I) : En fait, le sujet de notre date de naissance est assez compliqué (il réfléchit) ... car nous ne la savons pas vraiment nous même (rire) ! Certains disent que la naissance du groupe remonte à 1979, d'autres à 1982 ...voire 1983. Mais bon, nous n'avons pas besoin de trouver un tel évènement pour faire la fête :).



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Une heure après cette interview, nous avions rendez-vous à la Boule Noire pour la pré-écoute de l’album Somewhere Else. Accueillis par Olivier Garnier et son équipe de Replica Records, les 3 membres du groupe prennent place une poignée de minutes, visiblement heureux d’être là (surtout Steve, pas avare de quelques plaisanteries) et nous invitent à écouter l’album. La centaine de privilégiés écoute donc religieusement le disque pendant une cinquantaine de minutes. On notera un excellent premier titre, « The Other Half » avec quelques influences celtiques et un passage poignant dans sa deuxième partie (la voix de Steve Hogarth, comme d’habitude, y est pour beaucoup). A coup sûr, les grands moments du disque sont les titres plus longs, calmes avec quelques montées en intensité comme « Thank You (Whoever You Are) », « Somewhere Else », « Voices From The Past » et « The Last Century For Men ». Pas mal du tout non plus ce « Faith » à la guitare acoustique, « Wound » (intense au début, plus planant sur la fin) et « Such Thing » (effets de voix, montée en intensité). 2 chansons sont assez moyennes, les plus rythmées « See it like a baby » (le single) un peu trop répétitive à mon goût et « Most Toys ». Les 3 musiciens remontent sur scène à la fin pour nous demander si on a aimé, puis viennent se mêler aux fans pour dédicaces et photos. Soirée très sympa et un très bon album apparemment qui s’annonce.