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Interview
Angra, le 18/09/2006
Par : Powersylv




C’est qu’ils ne chôment pas nos brésiliens ! A peine achevée la tournée Temple Of Shadows qu’ils nous remettent le couvert avec un nouvel album dans la lignée : Aurora Consurgens. Un titre mystérieux et des idées qui confirment qu’ANGRA a inauguré depuis Temple une nouvelle phase de sa carrière. Pour nous éclairer sur ce nouvel opus, nous avons eu la chance de rencontrer Kiko Loureiro, guitariste du combo. Un Kiko à la fois sérieux et détendu qui se débrouille ma foi très bien dans la langue de Molière et qui nous a montré sa passion pour la culture, la musique, sans oublier son pays natal qu’il chérit toujours autant. A toi Kiko !


Powersylv (P) : Avant d'en venir à votre nouvel album Aurora Consurgens, j'aimerai avoir ton sentiment sur Temple Of Shadows qui était un disque très ambitieux. Avec le recul, êtes-vous satisfait de Temple Of Shadows tant en matière artistique qu'en terme de succès commercial ?

Kiko Loureiro (K) : Nous en sommes très contents. Lorsque nous avions sortis le disque, on avait une appréhension car on se demandait si les fans n’allaient pas trouver Temple Of Shadows trop compliqué, trop progressif. Mais après l’avoir sorti, on a reçu une récompense au Japon, un award pour le disque. Et puis la tournée a été super, nous avons joué au Brésil bien, sûr, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique, en Europe, Asie, Australie ... on a beaucoup voyagé. Le public était présent et a bien accroché finalement. Et au niveau artistique, nous étions content d’avoir réalisé ce disque assez différent.

(P) : Effectivement, Temple Of Shadows était un peu en rupture avec ce que vous aviez fait précédemment d’un point de vue conceptuel surtout. Auparavant vous évoquiez dans vos chansons tout ce touchait à votre pays natal et à la culture brésilienne. Vous évoquiez aussi beaucoup de choses sur la nature, même l’environnement. Idem au niveau de la musique où l’on retrouvait beaucoup plus de rythmes brésiliens. Avec Temple Of Shadows et aussi ici avec Aurora Consurgens, vous vous intéressez beaucoup à des faits historiques, religieux, philosophiques ... voire un peu occultes ...

(K) : C’est vrai, mais pour la musique, nous avons toujours même aujourd’hui les caractéristiques de la musique brésilienne qui apparaissent ...

(P) : Peut-être, mais elle est peut-être plus cachée, en filigranes par rapport au côté plus heavy, non ?

(K) : Je pense moi qu’elle est toujours bien présente, peut-être qu’elle apparaît moins car depuis 2 albums, notre musique est plus technique qu’avant. C’est difficile pour moi de parler ce ça face à ton appréciation car pour moi, il y a toujours de la musique brésilienne. A chaque composition, depuis le début d’ANGRA, j’ai la musique brésilienne dans la tête. Nous sommes nés dans cette culture. Quand j’écris, c’est toujours au départ à la guitare acoustique et au piano. Il faut voir que la musique brésilienne traditionnelle ce n’est pas que dans la rythmique qu’elle apparaît. Elle est un mélange de musique venue d’Afrique, de la musique des indiens d’Amérique et aussi de la musique Européenne. Particulièrement de la musique française, avec des compositeurs comme Debussy, Ravel ... Connaissez-vous Heitor Villa Lobos ? C’est un compositeur brésilien qui a beaucoup étudié les musiques indiennes, africaines, mais aussi françaises et américaine. C’est pour ça que la bossa-nova ressemble parfois au jazz américain. Villa Lobos a ainsi créé une musique personnelle et très importante au Brésil, qui a influence énormément de musiciens brésiliens au siècle dernier. Et même nous ANGRA. Car quand on joue une mélodie si tu écoutes bien, les notes que nous utilisons ne sont pas les notes traditionnelles utilisées par exemple par les groupes de heavy allemand. J’en suis conscient parce que j’ai grandi dans cette culture, mais ce n’est peut-être pas aussi évident pour tout le monde. Maintenant, nous aimons aussi le heavy metal particulièrement européen, notre musique est donc un mix entre ces 2 cultures. Nous n’aimerions pas nous cantonner dans une musique typiquement brésilienne, d’autres le font beaucoup mieux que nous ...

(P) : D’où votre musique si originale ...

(K) : Exactement.

(P) : J’en viens donc à votre nouvel album Aurora Consurgens, qui doit normallement sortir fin octobre. Vous avez mis à l’écoute sur Internet le titre "The Course Of Nature", le premier titre du disque qui est un morceau assez heavy et complexe. Pourquoi ce choix ?

(K) : Pour être honnête, à la fin de l’enregistrement de l’album, nous ne savions pas lequel choisir car c’est du nouveau matériel et forcément on est fier de chaque titre. « The Course Of Nature » a été choisie car c’est un titre bien heavy effectivement, et aussi plus direct. On a réalisé un clip également et on a réalisé une pochette pour le single. Tout sera disponible sur le site internet d’ANGRA pour être téléchargé. Tu pourras mettre le clip sur ton iPod. Bref, tu auras tout sur internet. Peut-être qu’ensuite nous sortirons le single pour de vrai dans le commerce mais ce n’est pas sûr. Ensuite viendra la sortie de l’album.

(P) : Que signifie le titre Aurora Consurgens ?

(K) : Il s’agit du titre d’un livre de Saint Thomas d’Aquin. Si tu te souviens bien, dans Temple Of Shadows, on parlait de la relation humaine avec la religion par l’intermédiaire du personnage du Shadow Hunter. Celui-ci a vécu différentes situations par rapport à la religion et s’opposait aux dogmes de l’Eglise. Sur Aurora Consurgens, on parle toujours de relations humaines mais d’un point de vue plus philosophique et surtout plus ... psychologique. Nous sommes dans un monde où les gens sont stressés, toi à Paris, moi à Sao Paulo. Les gens sont sujets à leur stress, leur anxiété, par rapport à l’amour, aux pulsions, au travail ... on cherche à faire absolument aujourd’hui ce qu’on devait faire hier. Et ce mode de vie moderne engendre beaucoup de problèmes qui affectent notamment notre psychisme, notre mental. Aurora Consurgens n’est pas un concept album contrairement à son prédécesseur, mais les titres sont reliés par ce fil rouge : notre relation avec notre mental. C’est Carl Jung (un disciple de Freud) qui a étudié ces choses. Jung a utilisé le symbolisme pour étudier la conscience. Et Aurora Consurgens le livre de Saint Thomas d’Aquin a été utilisé par Jung pour son symbolisme. En quelque sorte, Saint Thomas d’Aquin avait initié une sorte de psychologie. Bien évidemment, l’Eglise a condamné ces écrits en prétendant que ce n’était pas Saint Thomas d’Aquin qui en était l’auteur. Par contre, les alchimistes étaient certains que c’était le religieux qui l’avait rédigé. C’est un livre qui a donc été très controversé et qui a été déjà exploité au 15ème siècle. Nous voulions parler de ces problèmes et utiliser une approche de ce symbolisme peut-être d’une façon plus romantique, comme dans ce livre. D’où le titre de l’album.

(P) : Pour Temple Of Shadows qui était un concept album, c'était Rafael qui avait écrit l'histoire. Qu’en a-t-il été cette fois ?

(K) : Avant de penser à cette histoire, nous avions envisagé la musique. Nos chansons sonnaient plus heavy qu’avant. Bien évidemment dans une certaine mesure car nous ne sonnerons jamais aussi heavy qu’un SLAYER (rire). Puis nous avons pas mal discuté et ce thème du mental nous semblait intéressant à exploiter et aussi collait bien à cette musique un peu plus lourde qu’auparavant. Rafael avait découvert cette littérature, il avait bouquiné sur la psychanalyse. Il aime ce genre de choses, tu vois tout ce qui touche aux religions, aux problèmes de l’être humain etc ...

(P) : Je vois ça, on dirait que c’est un peu l’érudit du groupe :) ...

(K) : Il aime ces sujets profonds et même un peu ... interdits. Les machins un peu occultes et mystérieux comme on peut en lire dans le Da Vinci Code, ce genre de trucs.

Powersylv (P) : Au niveau musique, même s'il possède les traits caractéristiques de la musique d'ANGRA (quelques arrangements, des chœurs, quelques claviers qui interviennent ci ou là, des influences brésiliennes ...), l'album me semble beaucoup plus heavy que le précédent. Etait-ce un choix calculé de sonner ainsi ou ce côté plus heavy s'est-il imposé naturellement ?

(K) : C’est quelquechose de naturel. Je pense profondément que la musique ne se calcule pas. Tout compositeur a la musique en lui, je dirais même chaque être humain, peut-être es-tu musicien toi aussi (ndlr : malheureusement non, lol). Déjà dans le ventre de la mère tu entends la musique, les pulsations, l’eau ... C’est même pour ça qu’inconsciemment, quand tu vas à la plage, tu te sens apaisé car cela te rappelle cette musique d’avant ta naissance. La musique, les sons, tout est vibrations et tout le monde connaît ces vibrations. Un musicien, c’est quelqu’un de particulier, c’est quelqu’un qui a appris comment interpréter et reproduire ces vibrations qu’il ressent. Un musicien qui pense qu’il faut réfléchir et ne pas être spontané pour écrire de la musique n’est pas dans ma conception un vrai musicien.

(P) : Ce fameux côté plus heavy me semble renforcé par une plus grande diversité et une plus grande maîtrise dans les rythmiques. Est-ce qu'Aquilès et Felipe se sont plus impliqués dans les compositions que par le passé ?

(K) : Peut-être effectivement. Ta remarque est intéressante car elle démontre que chacun selon sa sensibilité va appréhender un morceau ou un disque différemment de quelqu’un d’autre. Pour un fan d’AC/DC notre musique va sembler progressive. Pour un fan de DREAM THEATER, notre musique ne va pas l’être assez. J’aime bien écouter les impressions des gens, c’est vraiment différent. Il faut voir aussi que ça dépend du nombre d’écoutes de l’album. Si tu écoutes l’album 20 fois, ça sera différent des premières fois. Pour moi, parler de l’album c’est difficile car je le connais à fond. Et je pense que c’est notre meilleur en plus ...

(P) : Tous les groupes ont tendance à dire que leur dernier bébé est le meilleur :)

(K) : Oui, mais c’est normal. Quand tu sors de l’écriture d’un album, tu as sélectionné ce qui est pour toi les meilleures idées. Comme ce sont les meilleures idées, c’est notre meilleur album :). Pour ces 2 années (rire) ...

(P) : Et à part le dernier, quel est ton préféré, là, comme ça :) ?

(K) : C’est difficile car chacun correspond à une époque différente. J’aime bien les expérimentations que nous avions faites sur Holy Land, voilà pourquoi je le préfère par exemple à Fireworks. D’un autre côté, Angels Cry possède la fraîcheur, la jeunesse et l’émotion du premier album. Peut-être que je pourrais dire par la suite que c’est Temple Of Shadows qui était très recherché aussi que je préfère. En fait c’est pas évident car il faut laisser mûrir les albums, prendre du recul. Peut-être pourrais-je te dire ça dans 10 ans :). Là pour tout te dire, je suis encore dans Temple Of Shadows ...

(P) : Sans doute parce que la tournée Temple Of Shadows vient de se finir tout récemment puisque vous avez joué cet été, aux Gods Of Metal notamment. Au fait, vous aviez de nombreux invités pour Temple Of Shadows : Kai Hansen, Sabine d'EDENBRIDGE, Hansi de BLIND GUARDIAN ... N'aviez-vous pas envie de recommencer cette expérience ici ?

(K) : Sur Temple Of Shadows, on avait fait ça effectivement. La chanson la plus caractéristique pour parler de ces invités est « Late Redemption » où j’avais écrit les paroles en portugais et où nous étions tous d’accord pour faire venir Milton Nascimento, un chanteur brésilien que nous aimons beaucoup. Pour le côté metal, nous avions invité les personnes que tu cites et qui ont joué un rôle non négligeable dans la forme de l’album. Cette fois, nous n’éprouvions pas le besoin de faire celà. Et puis, on ne peut pas inviter toujours des personnes extérieures : les gens seraient tentés de dire que nous ne voulons plus chanter, que nous voulons que des invités reconnus soient caution pour un bon disque, que nous ne pouvons exister par nous-mêmes et toute cette sorte de choses.

(P) : La pochette de l'album a beaucoup de points communs avec celle de Temple Of Shadows. S'agit-il du même artiste et que représente-t-elle ?

(K) : C’est la même artiste, Isabel De Amorim, une portugaise qui habite en France. Y a de belles choses en France :).

(P) : L'enregistrement et le travail de production a encore une fois été assez compliqué. Votre producteur Dennis Ward vivant en Allemagne, il s'agit d'un travail entre le Brésil et l'Allemagne. Ca ne doit pas être évident de pouvoir suivre l'avancement de l'album dans ces conditions ... ?

(K) : C’est plus compliqué effectivement que si c’était quelqu’un qui habitait dans ma rue. Mais malheureusement dans ma rue, je n’ai pas de bon producteur. On aime sa façon de faire. Il est américain, il habite en Allemagne. Il est très carré comme les allemands, mais il est sympa comme les américains. Avec lui, on travaille sérieusement mais dans une bonne atmosphère. Au niveau technique, il est irréprochable et compétent. Il comprend notre musique et ce qu’on veut faire. Donc changer de producteur ça serait un peu ... dangereux. Déjà il faudrait re-expliquer à un autre notre esprit. Et il faut savoir que c’est le producteur qui a le dernier mot pour un enregistrement : s’il n’est pas ok, pas d’album. Nous avions déjà fait un tel changement par le passé avec l’album Fireworks et cela a été très difficile car le producteur d’alors (Chris Tsangarides) ne comprenait pas comment on pouvait mettre par exemple les percussions au même niveau que la batterie ... ce qui a engendré nombre de désagréments (ndlr : c’est suite à l’album Fireworks que l’ambiance s’est dégradée entre les 2 guitaristes et les 3 autres musiciens précédents - dont Andre Matos – qui ont quitté le groupe pour fonder SHAAMAN). Je trouve pour ma part que les percussions sont très importantes dans notre musique ...

(P) : Oui, et c’est vrai que vous avez été pionniers à ce niveau dans le metal, au même titre que vos compatriotes de SEPULTURA bien que leur musique soit différente. Au niveau des concerts, j'ai crû comprendre qu'à la fin du mois et en Octobre vous aviez prévu quelques "Warm Up Shows" au Brésil ainsi qu'une petite tournée au Japon et en Asie ... pour roder quelques nouveaux titres sur scène, sans doute ?

(K) : En fait, ce n’est pas tout à fait ça. Au Japon, nous participons à un festival où nous sommes co-headliners avec MEGADETH. Edu et moi ferons ensuite quelques jours de promotion là bas où nous donnerons quelques interviews. Puis nous recommencerons les concerts, au Brésil en fin d’année. Enfin nous repartons au Japon pour la tournée. Nous serons chez vous sans doute vers le mois de Février 2007, on ne vous oublie pas.

(P) : ANGRA fête ses 15 ans d'existence. Avez-vous prévu quelquechose de particulier pour célébrer cet anniversaire ?

(K) : Pendant la tournée, nous allons faire un gros best of avec d’anciens titres que nous n’avons pas joué depuis très longtemps, voire quasiment jamais, le tout en changeant de set-list tous les soirs quasiment. Bon, il y aura malgré tout des classiques aussi. Ce sera une très bonne surprise pour les fans. Et après pourquoi pas un beau DVD ?