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Interview
Ephel Duath, le 01/12/2003
Par : Possopo




Interview de Davide Tiso - Ephel Duath - par Possopo

Davide Tiso est le leader d’EPHEL DUATH, groupe italien de Padoue pratiquant un art improbable, mélange musical entre metal, hardcore et jazz. En ce moment en studio afin de donner un petit frère à l’excellent The Painter’s Palette, le guitariste a répondu à toutes mes questions de la manière la plus sympathique qui puisse être.

Rephormula et The Painter’s Palette sont très différents. Pourquoi ces changements aussi importants entre votre premier et votre deuxième lp?


The Painter’s Palette est simplement une nouvelle étape dans notre voyage expérimental. Je ne me sens pas vraiment capable d’expliquer ce changement de direction musicale, mais je peux souligner plusieurs facteurs qui ont été fondamentaux. Il y a d’abord le split de la formation originelle (nous étions un duo, Giuliano, chanteur, claviériste et guitariste, et moi, guitariste également), puis les passés musicaux très différents des nouveaux membres et surtout ma volonté de progresser et de parier sur ma propre personne en m’appuyant sur une équipe excellente (le groupe), un label et un management qui croient vraiment en nos possibilités. Je suis devenu beaucoup plus ouvert par rapport à la période durant laquelle a été enregistré Rephormula, et ceci est certainement du au fait que beaucoup d’aspects qui ont fait mon existence ont aujourd’hui disparu (mes illusions, mes espoirs et mon attitude positive) ce qui me pousse à me recentrer sur moi-même. J’ai également beaucoup mûri et j’écoute plus de choses qu’auparavant.

Ephel Duath signifie montagne d’ombre. Penses-tu que cette référence à Tolkien colle encore à l’image du groupe? Votre musique est tout de même bien loin de SUMMONING.

J’adore notre patronyme. Je pense que la sonorité créée par l’assemblage de ces deux mots a quelque chose de magique. Je n’ai jamais eu l’idée d’en changer, bien que certains puissent trouver que ce nom évoque plus quelque chose en rapport avec du folk apocalyptique.

Es-tu l’unique compositeur du groupe? Comment se passe le processus de création?

Je compose toute la musique et les paroles pour EPHEL DUATH. Généralement, je propose mes riffs à la section rythmique et nous jammons jusqu’à trouver quelque chose d’intéressant. Nous commençons en trio puis viennent s’intégrer les parties de chant et les arrangements électroniques dus à notre producteur Paso. Je pense que pour composer un album aussi ambitieux, il est nécessaire d’avoir une idée très claire du résultat voulu et de travailler en dosant rationalité et spontanéité. J’arrive donc en studio avec une vision encore nébuleuse mais déjà formée de ce qui va être le résultat final.

Comment se passe techniquement le travail en studio?

Le travail en studio a été très stressant mais aussi très excitant et amusant. Je trouve le résultat final satisfaisant et compétitif. Nous avons travaillé piste par piste et multiplié les overdubs. L’aspect le plus original réside en la découpe des morceaux par parties suivant un même tempo. Chacune est enregistré séparément à cause du nombre important de changements de rythme.

D’où vous vient cette idée d’incorporer une trompette à l’ensemble ?

Je suis profondément fasciné par le rapport entre les cuivres et l’univers metal extrême. Je pense qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine. J’ai très envie de reproduire cette expérience, cette fois avec un sax peut-être mais aussi des instruments plus exotiques, sitar et tabla, par exemple.

The Painter’s Palette est pour moi un mariage entre metal et jazz. Que penses-tu de groupes comme THE DILLINGER ESCAPE PLAN, CYNIC, ATHEIST ou SOLEFALD ?

J’adore THE DILLINGER ESCAPE PLAN et SOLEFALD. Ce sont des musiciens fous et je respecte leurs vues atypiques sur la musique. J’essaie avec mon groupe de trouver une liberté de composition aussi grande que la leur. Je ne connais guère CYNIC et ATHEIST mais je dois dire que mon groupe est souvent associé à ces deux formations.

Il a été dit que Rephormula était très influencé par EMPEROR. Qu’en est-il de The Painter’s Palette ?

La plus grande source d’inspiration sont les changements qui ont bouleversé ma vie.

Tu peux m’en dire plus sur ces changements ?

En fait, l’album est le fruit d’une introspection profonde et douloureuse. J’essaie de rendre le tout poétique afin que chacun puisse y voir quelque chose, s’y retrouver et multiplier les interprétations possibles.

Quel est ton passé musical, en tant que fan ?

Les premiers groupes de metal que j’ai adoré sont MEGADETH, METALLICA, SEPULTURA et PANTERA.
Je ne saurai dire s’ils sont une grosse influence pour moi mais voilà ce que j’écoute beaucoup en ce moment : KING CRIMSON, STEVE VON TILL et NEUROSIS, MIKE PATTON, OPETH, ULVER, MANES, CULT OF LUNA, RED HARVEST, RADIOHEAD, KATATONIA, PLACEBO, DIABOLICUM et VOID OF SILENCE.

Et en tant que musicien ?

J’ai commencé à jouer de la musique sérieusement en 96 avec Giuliano ainsi qu’un batteur et un chanteur qui sont vite partis à cause de divergences musicales. En 98, EPHEL DUATH était né et Opera, notre première demo, sort la même année, très influencée par la scène scandinave (EMPEROR, LIMBONIC ART). Durant l’été 2000, Phormula sort sur le label italien code666 et constituait un bel espoir pour nous deux. C’est alors que Giuliano décide de quitter le monde de la musique, me laissant seul et un peu désemparé mais Elitist (une branche d’Earache) s’intéresse alors au groupe. Phormula est réenregistré avec deux morceaux bonus électroniques et trois extraits de notre demo et rebaptisé Rephormula. Tout ça pour en venir en 2003 à The Painter’s Palette.

Quelle(s) guitare(s) as-tu utilisé pour enregistrer cet album ?

Une simple Ibanez RG7.

As-tu appris à jouer seul ou avec un professeur ?

Je ne suis guère attiré par l’apprentissage des gammes et des accords. La théorie n’est pas faite pour moi. Je suis un autodidacte ignorant.

Ecoutes-tu beaucoup de jazz ? Quels sont tes artistes préférés ?

Cela peut paraître étonnant à l’écoute de ma musique mais je n’écoute pas de jazz. Le jazz est probablement une influence inconsciente que j’ai apportée à ma musique et qui s’est développée du fait du passé musical et de l’aptitude des nouveaux membres du groupe.

Davide Tolomei contrebalançait avec bonheur la vois très dure de Luciano Lorusso et permettait de donner une bouffée d’air frais à ce maelström musical. Allez-vous le remplacer ?

Oui, nous poursuivons notre recherche. Chacun peut envoyer sa maquette à davide@ephelduath.net et demander de plus amples informations sur les auditions.
Nous continuons parallèlement cette histoire d’amour à quatre et les résultats sont spectaculaires. J’en suis très fier et le groupe a prouvé avec ce départ sa volonté de fer et démontré sa capacité à vaincre les moments difficiles.

A propos de Luciano Lorusso, sa voix est typiquement hardcore. Souhaitais-tu à l’origine mélanger ce type de chant avec ces riffs complexes où cela s’est-il fait naturellement ?

A la base de ma recherche de nouveaux membres, il y avait cette volonté d’utiliser des vocaux hurlés loin du timbre black metal de notre démo et de notre premier album. Les nouvelles compositions demandaient une attaque précise et forte, la voix de Luciano Lorusso est donc à mon avis, un choix parfait.

La pochette de l’album est grise et les chansons se réfèrent à différentes couleurs. Pourrais-tu m’expliquer ce concept ?

The Painter’s Palette tente de pousser l’auditeur à sa propre interprétation de l’oeuvre et les couleurs sont, à mon avis, le meilleur moyen d’y arriver. As-tu déjà remarqué la variété et l’étrangeté des effets qu’ont la vue d’une couleur chez des sensibilités différentes ? Durant la période de composition, j’ai intimement lié la musique à des pigments, j’ai reporté cela dans les titres, sans pour autant donner un guide de compréhension, d’où cette pochette en noir et blanc qu’il ne reste plus qu’à peindre selon sa sensibilité. Neuf rayons de lumière que vous trouvez dans les compostions tentent de vous atteindre. Absorbez-les avec la perception la plus large possible et vous comprendrez l’étendue de notre travail.
J’ai choisi les couleurs selon mes sentiments perçus à l’écoute des morceaux, pas de manière rationnelle. Tu peux aussi trouver dans les paroles de nombreuses références à l’art graphique afin de renforcer cette relation peinture-musique. Tout cela peut aussi être considéré comme un hommage à la figure mystérieuse du peintre.

Est-ce que la pochette représente une tête avec de grosses oreilles ou suis-je totalement à la masse?

La pochette représente ce que tu y vois. Pour moi, c’est une peinture métaphysique qui attend d’être touchée par l’auditeur, qui lui rendra ses couleurs grâce à la palette musicale des morceaux.

Chagall et Miro sont deux de tes peintres préférés. Désires-tu dire quelques mots sur ta passion pour la peinture ?

Dès l’enfance, j’ai été fasciné par la puissance évocatrice des couleurs et le rôle des peintres et des illustrateurs. Ce qui m’a le plus émerveillé était cette capacité à donner vie à des fantasmes par le simple biais de quelques traits, comme par magie. Les années passant, ma passion a grandi et je continue aujourd’hui à adorer ceux qui m’ont les premiers touché lors de mon premier contact avec les couleurs (Chagall et Miro notamment), j’aime aussi beaucoup les surréalistes (Magritte et Dali) et les peintres qui insèrent dans leurs oeuvres des messages obscurs et décadents (Bosch, Friedrick ou Schiele).

Peins-tu toi-même ?

Oui, parfois. Le résultat est assez minimaliste, au contraire de ma musique. J’aime travailler avec seulement deux couleurs, le rouge et le noir par exemple, et quelques traits. Mes travaux sont profondément influencés par Schiele.

Revenons à la musique. Le groupe est né à Padoue. Il y a t’il une scène metal très active par là-bas ?

Ma ville est riche de nombreux groupes intéressants, notamment dans la scène post-rock (RED WARM’S FARM, FESTEN, JARON BRITTLE et ONE DIMENSIONAL MAN par exemple). La scène metal est également assez active même s’il n’y a aucune fraternité entre les groupes. En fait, la plupart des formations se contentent de passer leur temps à dire du mal du voisin. Je déteste cette mentalité de merde.

Que penses-tu de RHAPSODY ?

RHAPSODY est un gros groupe de studio qui compose de la « bombastic music » qu’ils ont eux-mêmes intitulé hollywood metal. Il n’y a pas grand-chose d’autre à ajouter. Je les trouve prétentieux et leur style est très limité. Le discours véhiculé par ce type de groupes est très pauvre et je les trouve artistiquement sans intérêt.

Et SADIST ?

Ils ont été l’un des premiers à essayer d’exporter le metal extrême italien à l’étranger. Malheureusement, avec des résultats totalement insatisfaisants. Je respecte profondément leur professionnalisme et leur obstination. En plus, c’est un groupe phénoménal en live.

Tu préfères le risotto ou la pastasciutta ?

J’adore le risotto, surtout aux champignons mais je ne suis pas grand fan de pastaschiutta contrairement à beaucoup d’autres.

The Painter’s Palette a connu un accueil critique excellent. Es-tu satisfait des chiffres de vente et dois-tu comme Fenriz par exemple, travailler à la poste locale pour nourrir ta salle de bains?

Pour vivre, je dois travailler dans une horrible usine de petit équipement automobile. Pour le moment, il m’est impossible de vivre des revenus du groupe même si les chiffres de vente de The Painter’s Palette sont apparemment satisfaisants. J’étais étudiant pour devenir conservateur de musée mais j’ai quitté l’université pour composer l’album. Je retournerai probablement à la fac l’année prochaine.

Avez-vous beaucoup tourner pour supporter cet album, comptez-vous encore tourner ou vous concentrez-vous maintenant sur l’écriture du nouvel opus ?

Il n’y encore aucune tournée de prévue, simplement de nombreuses possibilités de parcourir l’europe. Nous avons déjà joué en première partie d’ENTOMBED ou LACUNA COIL pour leur tournées italiennes, le 24 juin, nous avons joué à Londres en compagnie de MISTRESS et DESOLATION au Garage et cet été nous a débarqué en Norvège lors du Quart festival qui proposait MASSIVE ATTACK, QUEENS OF THE STONE AGE, RED HARVEST, CULT OF LUNA et plein d’autres et en République Tchèque au Brutal Assault festival avec MALEVOLENT CREATION, HOLLENTRON, KATAKLISM, NECROPHAGIST et d’autres. De très belles expériences.

Avais-tu peur du rendu live de tes morceaux du fait de leur complexité ? Comment cela s’est-il passé ?

Il était à peu près impossible de tourner avec le premier line-up mais aujourd’hui, EPHEL DUATH est devenu un groupe qui peut se produire devant un public et j’en suis très fier. Nous n’avons guère le temps d’avoir peur, nous jouons et nous nous apercevons que la réponse du public est vraiment positive, l’audience est généralement très calme mais semble bien comprendre et apprécier notre musique. Les morceaux sont un peu plus directs et légèrement simplifiés en live (il n’y a notamment qu’une seule guitare), certaines parties étant même réarrangées. La dimension live du groupe est aujourd’hui essentielle pour nous.

Au sujet du nouvel album, peux-tu me parler un peu de la direction musicale qu’il adoptera?

Nous allons continuer d’expérimenter mais sans suivre une direction prédéterminée. Nous avons une personnalité que nous nous devons d’affirmer sur le prochain opus. La notion de liberté prédomine et je suis très excité par l’opportunité de travailler sur de nouvelles chansons dérangeantes. Pour l’instant, deux morceaux sont composés, « imploding » et « new disorder ». Ils sont plus puissants, épais et ont une touche un peu seventies, peut-être quelque chose de stoner. La pré-production est entamée depuis fin septembre et nous travaillons sur deux ou trois titres à la fois afin d’arriver au studio pour l’enregistrement final avec des idées bien précises.

Souhaites-tu ajouter quelques mots ?

Merci pour ton soutien et bonne chance pour tes prochaines interviews. Plein d’infos sont disponibles sur notre site : ephelduath.net, il y a également des vidéos et des mp3 téléchargeables. Salut !