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Interview
Hellfest 2009, le 18/05/2009
Par : Powersylv




Nous avons profité de la venue sur Paris pour aller taper la causette avec l’organisateur du fameux Hellfest, quasiment un mois jour pour jour avant le lancement de ce festival metal hexagonal en plein boum. C’est un Ben Barbaud volubile et honnête qui a bien voulu répondre à nos questions.


Powersylv (P) : Dans quel état d'esprit te trouves-tu à un mois du lancement de cette édition 2009 du Hellfest ?

Ben Barbaud (B) : Assez serein. Tout à l'air de bien s'imbriquer. Le public a l'air d'adhérer pour l'instant car les places se vendent bien. On s'attend à recevoir pas mal de monde. Après, on espère juste avoir du beau temps et que tout se passe au moins aussi bien que l'année dernière, avec des festivaliers et des groupes qui repartent avec le sourire.

(P) : Quels étaient les critères de sélection des groupes présents à l'affiche cette année (variété de l'affiche, prix des cachets, coups de cœur perso ...) ?

(B) : Il y a déjà le soucis de varier l’affiche. Ceci est un moyen de nous démarquer des autres festivals en proposant un panel un peu plus large en terme de styles de musiques représentés. Nous pouvons donc réunir sur une affiche des groupes comme MÖTLEY CRÜE avec des groupes de grind, de death, de black. C’est l’état d’esprit qui prévaut depuis la naissance de ce festival et nous ne sommes pas mécontent du rendu de l’affiche de cette année. Evidemment, il y a toujours des gens qui font des reproches – tu sais, les goûts et les couleurs – genre « l’an dernier c’était mieux, cette année c’est nul » … bon, ça dépend de chacun mais personnellement je trouve que pour un résultat final, on a une affiche qui tient la route et qui est équilibrée car on a pas essayé de saupoudrer 1 ou 2 styles par-ci par-là. On a essayé de faire au mieux pour que le fan de heavy s’y retrouve, pour que celui qui aime le metal extrême puisse aller voir un certain nombre de groupes. Idem pour ceux qui écoutent du hardcore etc, etc … quand tu fais ton affiche avec tes 100 groupes, ce qui est le plus important est de te mettre à la place des gens qui sont susceptibles de venir et d’être intéressés. J’essaie de me dire : « Bon voilà, je suis à 120 euros le billet : qu’est-ce qui me ferait me bouger ? Si je suis un heavy metalleux qu’est-ce que j’aimerai bien voir ? Si je suis un black metalleux, qu’est ce que j’aimerai bien voir … ? ». Pas mal de nos salariés aiment le black par exemple. Et pourtant ,il faut qu’ils se posent la question : « Quel que soit le style, auprès de quel groupe il y a une demande qui pourrait faire venir du monde ? ». Il faut voir aussi que certains fans vont venir parce qu’il y a des groupes à l’affiche que l’on voit très peu souvent, d’autres aiment bien toujours voir un peu les mêmes trucs. Et puis ben quand tu es arrivé au bout, tu espères que tu as bien fait ton boulot, tu regardes comment les places ses vendent et si ça se vent bien, ben tu te dis que tu ne t’es pas trop trompé. Il faut en fait s’intéresser aussi à ce que les gens écoutent – davantage que ce que toi tu écoutes. Car si tu fais une affiche par rapport uniquement à tes goûts perso, ça ramène pas forcément du monde. Il faut savoir bien sûr se faire plaisir mais il faut aussi avoir ce détachement, et donc penser aux autres.

(P) : Le Hellfest a succédé au Fury Fest qui était plutôt un festival hardcore au départ. Même s'il y en a toujours au Hellfest, l'évolution au fil des ans vers la musique heavy metal (classique ou plus extrême) est-elle le reflet de ton évolution musicale ou y a-t-il d'autres motivations ?

(B) : Il y a un peu de tout. On a élargi le spectre musical du festival parce que, pour être honnête, ce n’était pas les groupes que j’écoutais dans ma chambre qui allaient me permettre d’en faire mon métier. Au départ, quand j’ai démarré, je ne comptais même pas en faire mon métier : j’étais salarié dans une grande surface. Puis j’ai été licencié du jour au lendemain et là, je me suis demandé ce que j’allais faire. Et il y a eu un concours de circonstances qui fait qu’on a lancé un festival un peu plus gros avec des groupes que j’aimais bien. Ca a bien marché lors de la première édition du Fury Fest en 2002 mais c’est alors que je me suis dit que, pour que le festival prenne de l’importance, il ne fallait pas rester cantonné au hardcore et à l’underground. Et au fur et à mesure, Fury Fest puis Hellfest, on s’est ouvert aux autres genres musicaux. Le heavy plus traditionnel, ça faisait un moment qu’on y pensait mais il faut savoir que ce sont des groupes qui demandent assez cher. Ce sont des groupes en majorité plus anciens donc on n’a pas toujours eu dans le passé les moyens de se les payer. On aurait bien voulu par exemple ramener JUDAS PRIEST. Cette année, y a des fans de death, black qui se disent « putain y a que du heavy cette année », ce qui n’est pas vrai. Mais ne mettre qu’un MANOWAR au milieu de 99% de groupes à tendance extrême n’était pas forcément adéquat, il fallait miser sur un ensemble qui plaise à un public (MANOWAR, MÖTLEY CRÜE, WASP, EUROPE …).

(P) : Comme tu viens juste de parler de MANOWAR, ça amène de l’eau à mon moulin pour la question suivante. Les discussions et négociations ont-elles été animées/plus rudes avec certains groupes ? Je suppose par exemple qu'un gars comme Joey De Maio qui vit pour son combo de A à Z ne doit pas être évident à gérer ...

(B) : Non, penses-tu. Joey est en réalité adorable comme mec. Bon, c’est vrai qu’il est un peu spécial … tout le monde connaît son côté un peu mégalo … et encore, je ne dirais même pas mégalo car c’est un gars très généreux malgré les apparences. Par contre, je ne te dis pas que si j’avais été le manager de MANOWAR, je n’aurai pas eu le même plan de carrière que lui car ils sont passés à mon sens à côté de plein de choses à force de vouloir en faire trop. Moi personnellement je n’ai aucun problème avec eux. Ils sont chiants, ça c’est clair et ils cassent bien les couilles. Mais à côté de ça, moi je suis promoteur d’un spectacle, je suis là pour proposer ce spectacle, faire que les groupes soient sur scène et que les fans repartent avec le sourire. Ca ne va pas plus loin. Ce n’est pas mon rôle d’aller dire aux groupe : « Vous devez faire comme ça … ». On a réussi à s’accorder sur une prestation d’autant que ça fait un moment qu’on en discutait ensemble. Ca s’est fait et puis voilà … Pour les autres artistes, pas de problème non plus. Tu sais, ce n’est pas le volet le plus difficile quand tu organises un festival. Le plus difficile c’est de faire venir les gens dans de bonnes conditions : tu regardes le champ vide, tu pars de zéro et tu te dis que pendant 3 jours, tu vas devoir mettre tel service au bon endroit, telle ou telle personne pour gérer ce truc-là, avoir les bons prestataires, les moyens techniques, l’hygiène, les sanitaires … ça c’est difficile. Faire venir les groupes, non. Tu sais, en France y a tellement peu d’événement metal que si t’es capable de payer, ben les groupes, t’inquiètes pas ils hésitent pas longtemps, hein.

(P) : La France n'étant pas réputée pour être un pays "rock'n roll", certains artistes n'ont-ils pas été surpris d'apprendre l'existence d'un festival français qui commence à prendre de l'envergure ?

(B) : Au début si. Enfin, je dirais pas « surpris » mais plutôt « méfiants ». En se demandant si les promoteurs – c’est à dire nous – avaient les moyens de leurs ambitions, si on était sérieux, solvables etc. Surtout avec le Fury Fest qui à l’époque s’était très mal fini (la dernière édition a eu lieu en 2005). Pour l’histoire, j’avais créé ce festival en 2001 dans ma chambre, je l’avais revendu en 2005 à un promoteur parisien véreux qui s’est barré avec la caisse, d’où la fin de ce festival. On a monté ensuite le Hellfest à Clisson car je vivais là. Donc il a fallu essuyer les plâtres de la mauvaise fin du Fury Fest, et convaincre à nouveau les agents et les groupes que ce nouveau projet était sérieux, viable. Les artistes ont besoin d’évènements comme ça car ils ne gagnent plus beaucoup d’argent sur les CD : c’est pour ça que les festivals payent assez cher pour les avoir et eux ne demandent pas mieux que de jouer dans un maximum de pays. Les groupes ont envie de jouer en France, mais il faut qu’on leur offre cette opportunité. Au départ, il a donc fallu faire nos preuves.

(P) : Quel(s) groupe(s) n'a pas pu participer cette année au fest cette année et dont tu regrettes l'absence ?

(B) : Il y a toujours des groupes que tu aimerais bien voir. Certains ne sont pas libres car ils sont en enregistrement, d’autres sont engagés ailleurs à la même période, pour certains c’est trop cher … y a plein de raisons qui font qu’un groupe n’accepte pas de venir. Mais bon, tu te dis que tu réessayeras l’année prochaine, ce n’est pas grave. La liste des groupes que j’aimerai voir est longue, si longue que je ne saurais même pas où les mettre sur l’affiche cette année.

(P) : Peux-tu nous en dire plus sur les partenaires du festival et sur les autres animations qui seront de la fête (catch, stripteaseuses ...) ?

(B) : Oui, je vois, ce genre de petits « à côté » sont là pour enrober un peu le festival mais sans vraiment être des évènements capitaux. On a remarqué effectivement que la culture festival était un peu différente de celle des concerts uniques. Les gens viennent en général à un festival en bande de potes pour 3/4 jours : ils sont là bien sûr pour voir les groupes en concert mais aussi pour embarquer avec eux d’autres bons moments bien fun : s’ils peuvent voir une bonne paire de nichons et s’éclater, pourquoi se priver ? « On a vu plein de groupes, on s’est bien bourré la gueule, on a vu plein de gonzesses … ». Bon, on peut penser que c’est une attitude un peu « beauf » mais faut pas se leurrer : le metalleux quand il vient en festival, il veut boire un coup, voire des filles et écouter de la bonne musique. C’est ce qu’on appelle le rock’n roll. Le catch par exemple, voir des mecs se taper sur la gueule, ça peut en amuser certains … bon, on verra bien, si c’est un truc qui marche pas, on refera pas. Et puis si ça plait et si certains trouvent ça marrant ben on continuera quoi.

(P) : Quels sont les innovations par rapport à 2008 en ce qui concerne les moyens "hors musicaux" déployés (moyens logistiques, confort des festivaliers, camping, accès au site ...) ? Bornes internet ...

(B) : On essaie forcément de toujours améliorer les conditions d’accueil. On sait qu’il y aura plus de public que l’année dernière, donc on sait qu’il y aura plus de sanitaires, des espaces douches, on a donc financé tout ça. On a ajouté des écrans géants pour voir les concerts de loin … ce sont des petites choses qui améliorent le quotidien des festivaliers. On avait déjà fait pas mal d’efforts l’an dernier par rapport à 2007 qui avait été assez tendue à ce sujet. L’organisation générale va ressembler sensiblement à ce qui a été fait l’an dernier mais ça va être renforcé du fait qu’il y a plus de monde. Nous avions fait 14000 payants l’année dernière et je pense que cette année on va faire 17000/18000. A part peut-être samedi avec MARILYN MANSON (qui est un peu plus grand public) où ça risque d’être complet à 20000 personnes. C’est sûr que c’est pas l’affluence d’un Wacken …

(P) : Bah, tu sais il y a pas mal de fans qui sont clients de festivals à taille humaine plutôt que des monstres à 75000 personnes comme Wacken où on a parfois du mal à se déplacer …

(B) : Là bas, c’est sûr que si tu vas chercher une bière, t’en a pour 3 heures, tu reviens on t’a piqué ta place. Mais bon, notre objectif à nous est de rester quand même dans des tailles relativement raisonnables. Il faut noter aussi qu’on fait 40% d’étrangers. Et heureusement qu’ils sont là car sinon le festival ne serait pas rentable. Car je suis persuadé qu’il y a davantage de fans français qui pourraient venir.

(P) : On sait que certains groupes religieux étaient farouchement opposés au Hellfest les années précédentes. Ceux-ci font-ils encore des difficultés cette année, notamment avec la venue d'un de leurs ennemis jurés, MARILYN MANSON ?

(B) : On les a pas entendu cette année. Tu sais c’est très particulier cette histoire. Je suis de Clisson depuis longtemps et je connais même ces gens, je vois exactement qui c’est. Clisson, c’est pas comme Paris : les gens ont moins accès à l’information … disons que, pour ne pas être gentils, ce sont des gens un peu « en retard ». Donc quand ils voient débarquer ce genre d’évènements … ce n’est pas tant MARYLIN MANSON qui les effraient, c’est l’événement en tant que tel. Maintenant, bon, ça fait 3 ans que le festival existe, tout s’est toujours bien passé, nous avons même eu des félicitations des acteurs institutionnels, de la gendarmerie, préfecture qui louent justement l’attitude très respectable des festivaliers. Même les habitants de Clisson dans leur majorité ont fini par accepter le festival. Donc aujourd’hui, ces gens-là qui sous leurs oripeaux religieux essayaient d’attaquer le festival l’an dernier et qui sont une minorité vont vite se faire rembarrer. Car même des Clissonnais qui au départ avaient un peu peur du festival et du type de public qui allait participer sont habitués. Faut voir aussi l’image des fans de metal qui est véhiculée par des chaînes de télé type M6 : « ils sont habillés en noir, ils vénèrent Satan, ils égorgent des cochons … ». Ils se sont rendus compte finalement que c’était des fables et que le public était tout bonnement génial. D’ailleurs le petit groupe d’activistes qui nous ont fait des difficultés l’an dernier ont ouvert récemment une école de secte où ils enferment les gamins dans des classes, sans qu’ils aient de contacts avec le monde extérieurs. C’est leurs parents qui font l’école. Le truc au début, c’est que comme ces gens-là sont des gens respectés, de bonne famille, propres sur eux, chefs d’entreprises et tout, on avait peur que du fait de leur influence ils puissent prendre le pas sur les décisions du maire par exemple. Et comme aujourd’hui les acteurs institutionnels sont derrière nous … ces groupes religieux contribueraient même à nous faire de la pub. Alors ils peuvent toujours aller faire une messe avant le concert de MANSON. On a encore une crainte derrière la tête, c’est que ces gens-là pourraient créer des troubles pour faire porter le chapeau au festival. Si demain on retrouve des saloperies dans les cimetières, certains ne se gêneront pas pour faire endosser cela sur les fans de metal. Et là, y a M6 qui débarque et tout le bazar … mais bon, tout le monde est très vigilant.

(P) : Je trouve l’affiche de cette édition (avec les momies) particulièrement réussie mais c’est toujours un peu le cas chaque année. Qui s’est occupé de ce dessin ?

(B) : On a un salarié chez nous qui travaille à plein temps, qui est graphiste et qui s’est attaqué aux affiches. Il a sa patte, bon, on aime ou on aime pas. Par exemple, je préférais l’affiche de l’an dernier pour être honnête. C’est lui qui a fait les affiches depuis les derniers Fury Fest. Il a fini par être embauché car on aimait bien son travail : les t-shirts, les flyers, les affiches …

(P) : Un souhait perso pour cette édition ? Et des groupes que tu aimerais voir plus particulièrement ?

(B) : Je vais aller voir quelques groupes bien sûr, même si tu ne les vois pas dans les mêmes conditions que lorsque tu es visiteur. Je ne suis pas la personne la plus occupée au moment du festival car je suis surtout là pour serrer les mains, les trucs officiels tout ça. J’arrive à voir quelques concerts mais petits bouts par petits bouts. Je crois que tous les groupes que j’aime je pourrais pas les voir, du moins entièrement. Sinon j’espère que tout le monde repartira heureux en se disant : « En 2008, c’était excellent. Cette année, c’était super ! J’ai hâte de revenir l’an prochain ».