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Interview
Hellfest 2008, le 11/06/2008
Par : Vivi




La saison des festival européens vient de commencer et il nous tarde d’aller retrouver ces grandes arènes métalliques (en espérant que le soleil soit de la partie). A ce titre, le fameux Hellfest fait figure d’événement metal hexagonal. Un fest bien de chez nous, plus que jamais à encourager et pour lequel se dévouent des personnes passionnées de musique metal. Le premier d’entre eux, Ben Barbaud, a accepté de répondre aux questions de Vivi sur le festival en abordant différents points : état d’esprit, organisation, évocation des années précédentes, etc … etc …


Vivi (V) : A moins de deux semaines du Hellfest, dans quel état d’esprit te sens-tu ? Tu te sens serein par rapport à tout ce qui s’est passé l’année dernière ?

Ben (B) : Oui je n’ai pas de soucis particuliers. On a fait une remise en question, on a prévu pas mal de choses pour cette édition, donc c’est cool quoi. Après évidemment, je suis stressé de savoir quel temps il va faire, stressé de savoir si les prestataires avec qui on travaille vont assurer, si mes salariés vont assurer. On sait que des coups il y en aura parce qu’il y en a toujours, mais on espère qu’on aura les parades pour faire en sorte que le public ne s’en aperçoive pas.

(V) : L’année dernière les critiques ne vont ont pas épargnés, que ce soit la presse ou les festivaliers. Avec le recul, quel bilan tires-tu de l’édition 2007 ?

(B) : Certains se sont permis à juste titre de nous faire remarquer les lacunes du festival de l’an passé [...]. Ce que je retiens, c’est que l’objectif était de faire en sorte de récupérer une édition 2006 qui avait été boudée par les français. Il fallait donc faire des choix, et de toute façon si on ne tapait pas dans le vif du sujet et qu’on n'enlevait pas des frais, le festival n’existerait plus parce que ce n’était pas rentable. Les gens, ils peuvent toujours gueuler pour avoir été accueillis dans des conditions exécrables comme ils disent ... ils nous auraient pas boudés l’année d’avant, on n’aurait pas eu des dettes au cul, on n’aurait pas été obligé des les rembourser, on aurait eu plus de moyen pour payer des chiottes, avoir un accueil à la hauteur, plus de sécurité, etc. etc. Je comprends la critique de l’an passé, surtout qu’il a fait tellement mauvais temps, les gens ont été aigris. C’est plus facile d’attendre 2h sous le soleil que 2h sous la flotte dans le froid avec du vent. Mais bon, y’a des tenants et des aboutissants qui sont financiers, qui nous regardent, et ce n’est pas toujours si simple que ça. C’est simple de dire « Ah moi j’ai fait Wacken et Wacken, c’est comme ci, c’est comme ça ». Le Wacken a 15 ans d’expérience et c’est 40 000 personnes qui payent 100 euros. Moi c’est à peine 10 000. On n’a pas les mêmes moyens, les terrains au Wacken sont secs parce qu’on paie des hélicoptères pour voler a 2 mètres du sol pour les faire sécher, mais nous on n’a pas les moyens de le faire. Et si on n’a pas les moyens de le faire, c’est parce que le public métal français, il se bouge soit que quand il a envie, soit que quand c’est absolument génial et qu’il ne faut pas louper. Le public français est difficile à gérer et je pense que s’il connaissait vraiment les tenants et les aboutissants du festival, il nous remercierait de continuer à y croire encore. Ca fait maintenant 7 festivals qu’on organise, j’ai perdu de l’argent sur 5 festivals, j’en ai gagné que sur 2, et les deux pauvres festivals avec lesquels j’ai gagné de l’argent, c’était pour rembourser mes dettes. Ce que j’en retire, c’est qu’il y avait effectivement des choses à améliorer, qu’on va pouvoir faire cette année. Je n’ai pas envie de me justifier plus que ça. Les gens qui ne nous ne referont pas confiance, qui pensent qu’on s’est foutu de leur gueule, et qui ne veulent pas revenir, et bien, ils ne reviendront pas. Nous on avance et on fait notre boulot, on essaye de le faire du mieux possible avec nos contraintes, parce qu’on n’a pas beaucoup de budget. On n’a qu’1% de subventions, et le public n’est pas nombreux à écouter du métal, ou alors il ne se déplace pas beaucoup, donc on ne peut pas faire des miracles.

(V) : En parlant de budget et de subventions, est-ce vous avez été contacté par des grosses sociétés de production pour cette nouvelle édition ?

(B) : Contactés ? Oui et non. Si tu veux les grosses maisons de production, elles ne font pas le même métier que nous je dirais. Elles sont là pour organiser des spectacles, et gagner de l’argent vite, sinon ça ne vaut pas le coup. Ils misent sur tel artiste, sur telle manifestation, et il faut que ça rapporte de l’argent. Nous on essaie de développer quelque chose sur du long terme, avec un état d’esprit particulier, avec une bande de potes. Il y a une aventure humaine derrière, ce n’est pas pareil. En plus, les grosses boîtes de production n’ont pas assez de connaissances pour partir dans ce type de musique bien particulier. Alors oui, les grosses boîtes de prod, elles vont aimer faire IRON MAIDEN, comme ils le font cet été et vont certainement faire beaucoup de monde, mais ça s’arrête la. Partir sur un festival comme le Hellfest, ça ne les intéressent pas, elles ne gagnent pas d’argent et le savent. Donc effectivement, oui on s’associe avec quelques grosses boîtes de productions qui nous aident à professionnaliser l’évènement. Mais on ne vendra jamais notre peau au diable sous prétexte qu’avec une grosse boîte de prod, on pourra faire plein d’argent. Il y aura certainement des gros producteurs qui nous diront « Mais attendez, pourquoi vous faites venir 87 groupes, alors que si on fait venir IRON MAIDEN avec 3-4 groupes, on fera beaucoup plus d’argent ! ». Ca ne nous intéresse pas. J’aimerais faire IRON MAIDEN, ce n’est pas ça le problème [...], mais on n’a pas le même rapport avec la rentabilité.

(V) : Quels vont être les changements cette année ?

(B) : [...] Evidemment, des changements d’organisation, il y en aura. De nouveaux emplacements sur le camping, des nouveaux placements au niveau des scènes, un nombre de toilettes multiplié par je ne sais plus combien, un nouveau système de billetteries-boissons, un système de navettes qui va relier la gare au festival etc, etc. On a fait l’équivalent de plus de 300 000 euros d’investissements supplémentaires en technique lié à l’accueil des festivaliers. Ca correspond quand même à un investissement relativement lourd. Après, te dire sur la globalité, y’a énormément de choses, de petits détails, mais ça, ce sont plus les gens qui organisent, moi je suis le directeur-programmateur du festival. J’ai des gens de confiance qui le font, donc après, oui il va y avoir du changement, ça c’est sûr, mais avec nos moyens. Ce n’est pas encore un festival qui fait 40 000 personnes par jour, donc il ne faut pas s’attendre à un truc à la Wacken, c’est pas possible. A écouter les gens en France, il faudrait que ce soit le meilleur festival au monde, la meilleure organisation du monde, pour le prix le moins cher. Désolé les gars, mais ça n’existe pas hélas ! Plus il y aura du monde qui participera au festival, plus on pourra prendre des risques, plus on pourra améliorer la technique et l’accueil et se permettre de prendre des plus gros groupes. Mais pour ça, il faut qu’il y ait du monde. Je ne vais pas dire que c’est un festival autogéré, mais c’est un festival qui grandira et s’améliorera avec le public. On ne peut pas claquer des doigts comme ça, on ne peut pas me demander à moi « tiens on veut tel groupe, telle organisation ... ». Résultat des courses : moi, je fais 4 millions d’euros de chèque, et au final, j’ai que 10 000 personnes qui viennent et je ne peux même pas rembourser la moitié de ce que j’ai payé. Et je ne peux pas payer pour tout le monde.

(V) : Il y a deux ans, j’avais été prise en stop par l’ex maire adjoint de Clisson, et celui-ci nous expliquait les difficultés pour rallier les gens au festival ... cela va être la troisième édition à Clisson, et au vu des critiques de vos détracteurs (les prières de Jéricho, les associations ...) cela entraîne-t-il des difficultés dans l’organisation du festival ?

(B) : Non pas vraiment. Effectivement quand on est arrivé il y a deux ans, c’était un peu particulier. Les gens avaient des a priori, mais pas de gros a priori. Ils on été agréablement surpris lors de la 1ère édition, et la 2ème édition s’est bien passée pour la majorité des clissonnais. Bon après, il reste une minorité de détracteurs, qui sont des sectaires qui ont peur, et qui racontent beaucoup de choses sur le festival. La majeure partie des intervenants du festival qui sont les élus, la gendarmerie, les institutions locales, sont bien conscients qu’il ne s’agit pas d’un festival néo-nazi, sataniste ou je ne sais quoi, et qu’il faut être un peu ouvert d’esprit et prendre ça pour de la provocation. [...]. Donc non, on est entouré de gens capables de discerner le vrai du faux, et même cette nouvelle association est plus ridicule qu’autre chose (NDLR : http://clissonsanshellfest.unblog.fr/). Ca nous gêne pas quoi !

(V) : Cette année, le festival a été scindé en deux, avec une édition hardcore. On sait peu de choses sur cette édition, peux-tu nous en dire plus ?

(B) : Et bien toujours pas hélas. On a eu un sérieux problème de salle dû à la mairie. On devait faire ça sur Clisson, mais ce n’est hélas pas possible, sachant qu’on a changé de maire et que le maire qui est passé n’est pas celui qu’on aurait préféré voir venir. Donc pour ce fameux festival en août, il n’y a toujours pas de nouvelles, car on n’a toujours pas la réponse définitive pour aller ailleurs.

(V) : Et pourquoi avoir fait un tel choix, c’est en rapport avec tes goûts personnels ?

(B) : Oui c’était pour ça, par rapport à nos goûts. J’ai grandi avec du punk, j’ai écouté beaucoup de hardcore durant ma jeunesse, et c’est ce qui m’a poussé à faire des concerts. Maintenant, j’ai évolué et j’ai changé, mais c’était pour le côté familial. Je sais que c’est un petit festival en août, il y aura beaucoup moins de personnes, des groupes moins connus, ce sera beaucoup plus zen et moins stressant pour nous. Voila, c’était pour le fun quoi ! C’est un tout petit festival comme on le faisait à l’époque quand personne ne nous connaissait à l’époque des premiers Fury Fest.

(V) : Petit à petit, le festival est devenu beaucoup plus orienté métal alors qu’à la base, c’était orienté hardcore. Selon toi, comment expliques-tu cette évolution ?

(B) : Faut pas se cacher, c’est ce qui marche le mieux. On serait peut être resté dans un objectif de programmation hardcore si ça avait marché, mais quand tu veux en faire un métier et gagner ta croûte avec, tu sais que ce n’est pas avec ce milieu que tu peux le faire. Avec le métal, le panel est beaucoup plus grand, il y a beaucoup plus de styles, de relais, et c’est donc plus facile de créer ça. Et puis aussi parce que nous, on s’est mis à écouter du métal petit à petit, vu qu’on n’écoutait pas vraiment ça avant. Ca s’est fait naturellement on va dire.

(V) : Comment expliques-tu que vous soyez les seuls à avoir lancé un festival métal de grande envergure en France ? Est-ce parce que le métal est une musique très peu acceptée en France ou pour d’autres raisons?

(B) : C’est un tout. Comme je te l’ai dit tout à l’heure, les gens n’ont pas envie de créer ces festivals, parce que c’est très dangereux, ça ne marche pas. Ils savent qu’ils n’auront aucune subvention. Il faut aussi s’y connaître énormément, parce que lorsque j’ai fait l’affiche en 2006, les gens l’ont boudé. Il ne faut pas se tromper sur l’affiche et c’est difficile parce qu’on ne peut pas tout connaître. On se frotte aussi à des gens qui ne sont pas fermés d’esprit, mais qui ont peur. Quand t’arrives dans une mairie, faut déjà leur faire accepter l’idée d’organiser ce genre de festival. Ils vont confondre ça avec une rave-party, des drogués, des satanistes etc. Donc effectivement, c’est plus compliqué que d’organiser un festival de pop-rock. Y’a pas de public, pas de subventions, les gens ont des a priori assez néfastes, donc ça n’encourage pas les gros producteurs à réaliser ces manifestations. Il n’y a que des « passionnés » comme nous qui continuons. Le mec qui a juste envie de faire du pognon, il ne fera pas du pognon avec un festival de métal. Il préfère faire un festival avec des groupes plus grand public afin de vendre 30-40 000 billets et empocher des subventions parce que la région a dit « Oh cool, il y a des groupes qu’on connaît ». Nous, il nous donne pas de trucs, juste des cacahuètes histoire de dire « regardez, on vous a donné quelque chose, on est des partenaires ».

(V) : Comment imagines-tu l’avenir du Hellfest dans plusieurs années ?

(B) : S’il pouvait rester plus ou moins comme ça, ce serait parfait. Je ne tiens pas à devenir aussi gros que le Wacken, parce qu’au bout d’un moment, ça devient invivable. Car je pense que les gens vont se lasser au bout d’un moment des gros gros festivals où il faut des jumelles pour mater les artistes. Je ne demande pas à gagner 10 000 euros par mois, donc si je peux continuer avec mes potes qui sont salariés maintenant, s’il peut rester dans un esprit un peu plus familial que les autres, ce serait parfait : continuer à se faire plaisir et à écouter de la bonne musique, essayer d’en programmer, que le public s’y retrouve, que l’organisation soit à la hauteur ... voila quoi !