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Interview
Death Angel, le 14/01/2008
Par : Powersylv




Rob Cavestany et Mark Oseguada sont là dans le hall de l'hôtel parisien. Oui, le guitariste et le vocaliste des célèbres DEATH ANGEL, en chair et en os ... et on se demandait bigrement ce que ce combo culte du thrash metal US faisaient car en terme de compositions, 4 ans se sont écoulés depuis The Art Of Dying, l'album de la réunion. C'est avec un Rob Cavestany aussi sincère et enthousiaste que volubile que nous avons rendez-vous ...


Powersylv (P) : Bonjour Rob et merci de nous accorder cet entretien. C'est la première fois que je vous rencontre en vrai, aussi j'aimerai revenir un peu sur la période troublée du début des années 90 qui a vu le split du groupe. Que s'est-il passé réellement ?

Rob Cavestany (R) : Bonjour. Nous étions comme tu sais en tournée pour l'album Act III et nous avons eu un grave accident de bus. Tout le monde a été choqué et blessé, et c'est surtout pour notre batteur Andrew (Galeon) que les séquelles étaient les plus sérieuses. Ses blessures étaient tellement graves qu'on nous a averti qu'il ne pourrait plus jouer de la batterie pendant au moins un an. C'était un sacré coup dûr pour nous. Après nous être rétablis, le label et notre entourage nous ont encouragé à continuer l'aventure et à reprendre la tournée avec un batteur de remplacement ... ce qui personnellement m'a beaucoup contrarié. Andy et moi avions formé DEATH ANGEL : il était comme un frère pour moi et c'était purement inconcevable de ne pas jouer avec lui. Alors je leur ai dit d'aller se faire foutre : personne ne devait prendre la place d'Andy ! Nous avions donc convenu d'attendre pendant 1 ans. Pendant ce laps de temps les choses se sont dégradées ...

(P) : Je te coupe mais avec cet accident de bus, vous avez du penser au drame de Cliff Burton ...

(R) : Tu m'étonnes ! C'est la première pensée qui nous a traversé l'esprit pendant l'accident. Mais bon, pour nous, même si nous en sommes tous resorti en piteux état, nous en avons tous réchappé, heureusement. Pour en revenir à l'année d'inactivité qui a suivi le drame, tout s'est dégradé avec la maison de disques et même avec le management. De plus, Mark est parti pour New-York afin de reprendre des études. A partir de là, c'était clair : difficile d'envisager une suite au groupe et nous avons raccroché. C'était en 1991.

(P) : Quelles ont été les circonstances de vos retrouvailles au début des années 2000 ?

(R) : 10 ans se sont écoulés et une occasion nous a été donnée pour constater que personne n'avait oublié DEATH ANGEL. On nous a demandé de jouer chez nous lors d'un festival donné au profit de Chuck Billy (chanteur de TESTAMENT), grand ami à nous qui était atteint à l'époque d'un cancer de la gorge. Nous avons dit ok pour ce concert ponctuel, sachant que nous nous étions promis que cet évènement resterait exceptionnel. Et nous avons appris qu'il ne fallait jamais dire jamais. Car lorsque nous avons joué ce jour-là, l'accueil du public a été si intense, si phénoménal. Quelle joie de voir tout un public chanter les chansons par choeur ! Et nous sur scène, nous avons pris un plaisir immense à jouer. C'était comme si les 10 ans de séparation n'avait jamais existés. Nous avons pris notre pied comme jamais. Du coup, on nous a demandé d'autres concerts et c'est ainsi que tout a redémarré.

(P) : Juste un mot sur The Art Of Dying, votre précédent album (sorti en 2004), un disque important puisqu'il est celui de la reformation. Votre premier album studio en 14 ans. Aujourd'hui, penses-tu qu'il s'agissait d'un bon album pour un come-back ? En es-tu toujours satisfait ?

(R) : Oui, j'aime toujours cet album qui contient son lot de morceaux bien puissants. Je me rappelle d'un sentiment assez étrange lorsque nous enregistrions The Art Of Dying car c'était comme si nous étions un nouveau groupe ... en étant conscient pourtant que ce n'était pas le cas. Dans les années 80, nous avons joué ensemble pendant 9 ans. Puis nous n'avons plus composé pendant 12 ans. Voilà 12 ans que nous n'avions pas travaillé ensemble et là, nous nous retrouvions en studio. C'était bizarre car nous étions dans une phase de redécouverte de nous mêmes. On se demandait si on allait pouvoir recomposer ensemble comme au bon vieux temps, si l'alchimie allait revenir. A côté, plusieurs zones d'ombre existaient : fallait-il rester sur nos fondamentaux et tout reprendre à partir de Act III ou fallait-il déjà s'adapter ou innover ? Est-ce que les fans allaient aimer nos nouveaux titres après tant d'années d'absence ? 12 ans ont passé, beaucoup de choses ont changé dans le monde du rock et du metal. Nous mêmes avons grandi et mûri. Bref, on devait être différents ... mais rester les mêmes. Tu vois un peu le dilemme ? Mais oui, je pense qu'il s'agissait de l'album qu'il fallait faire à ce moment là. Il est à la fois varié et représentatif de notre état d'esprit tel qu'il était à cette époque où nous nous recherchions et nous nous en sommes bien tirés. En revanche, s'il sortait aujourd'hui alors que nous avons tous repris nos repères et que nous sommes plus sûrs de nous, je ne serai peut-être pas si enthousiaste.

(P) : Entre The Art Of Dying et le nouvel opus Killing Season, presque 4 ans se sont écoulés. On vous a beaucoup vu tourner en 2003/2004, j'ai eu par exemple la chance de vous voir 2 fois à Paris (lors d'un concert à la petite Loco, puis au No Mercy Festival édition 2004, enfin cette même année à Wacken sous un soleil de plomb). Ces tournées et ces nombreux concerts justifient-ils ce délai ?

(R) : Ca a joué mais il y a d'autres raisons. En réalité, la première année suite à la sortie de Art Of Dying, nous avons tourné. Cette dernière année, entre fin 2006 et maintenant, nous avons été occupé à écrire et enregistrer Killing Season. Les 2 années intermédiaires ont été consacrées essentiellement à nos vies privées. Pour ma part, j'ai eu mon premier enfant. Dennis (Pepa, bassiste) en a eu un, puis un deuxième. Comme tu l'as dit, nous avons tourné intensément suite à The Art Of Dying et on a dû mettre nos vies privées entre parenthèses pour se consacrer à 100% au groupe. Mon fils est né alors que nous étions justement en train de promouvoir l'album et de tourner. Alors parfois on rentrait quelques jours, mais ensuite il fallait partir 3 voire 5 semaines en tournée. Et au bout d'un moment, tu ressens le besoin d'être avec ta femme et ton enfant. Je me suis dit que si on embrayait d'emblée sur un nouveau disque tout de suite, ça serait reparti pour un tour et que je ne pourrais pas profiter de ma famille. Nous avons donc fait un break dans ce sens. Et lorsque nous nous sommes sentis prêts pour refaire de la musique, nous nous sommes re-investis à 100% dans le composition d'un nouvel opus de DEATH ANGEL.

(P) : Venons-en a Killing Season. Que signifie ce titre mystérieux ?

(R) : Il s'agit de la période de ces 10 dernières années et de l'état du monde, a tout ce qui s'y est passé. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est pas reluisant. Plus que jamais, il y a des gens, des leaders politiques ou autres qui abusent de leurs pouvoirs, qui prennent les mauvaises décisions et qui se fichent royalement de ce que peuvent ressentir les gens qui n'ont pas eu la même chance, ceux qui sont défavorisés et qui sont victimes de ces abus. Et je ne parle même pas de la planète. Je ne citerai pas de nom mais je crois que vous pouvez aisément deviner de qui je veux parler. DEATH ANGEL n'a pas pour vocation première d'être un groupe politique et militant comme peuvent l'être d'autres groupes comme RAGE AGAINST THE MACHINE que j'apprécie et qui font ça mieux que nous. Mais la situation du monde et surtout des Etats-Unis devient tellement sidérante qu'on ne peut en tant qu'artiste s'empêcher de se poser des questions et d'exprimer nos inquiétudes.

(P) : Vous avez cette fois travaillé avec Nick Raskulinecz ...

(R) : Waouh, purée, enfin quelqu'un qui arrive à prononcer son nom correctement (rire). J'ai mis des plombes avant de pouvoir le prononcer.

(P) : Ouaip (rire). Nick a travaillé entre autres avec RUSH ou les FOO FIGHTERS. Quelle est l'origine de ce choix et comment l'avez-vous rencontré ?

(R)(enthousiaste) : Génial. Géant. Incroyable. Un bonheur que de travailler avec ce mec. Et une expérience inoubliable en terme de recherche, de production, de créativité. C'est super d'avoir rencontré un mec comme ça. D'ailleurs, quand tu écoutes le son des albums de FOO FIGHTERS ou de RUSH, c'est vraiment excellent. J'avais rêvé de donner ce son à un album de DEATH ANGEL et c'est devenu réalité. Nous l'avons rencontré grace à notre ami Danko Jones qui est un fan inconditionnel de DEATH ANGEL. Alors que Danko enregistrait son nouvel album en studio, il y mettait parfois notre musique. Et Nick a entendu la musique et lui a révélé qu'il était lui aussi un grand fan. Il a parlé à Danko de l'album The Ultra-Violence et tout, et tout ... Danko m'a appelé et m'a dit : "Tu sais quoi ? Tu vas pas me croire. Je travaille avec mon producteur Nick Raskulinecz et c'est un fan furieux de DEATH ANGEL !". On était alors en train de composer les morceaux et j'ai dit à Danko de donner quelques compos et mon numéro de téléphone à Nick afind e voir s'il serait éventuellement intéressé. Et ça n'a pas traîné. Nick m'a appelé, super enthousiaste en me disant : "Les gars, je vais vous aider à faire le meilleur album de DEATH ANGEL de l'univers !". Il a même contacté Dave Grohl (FOO FIGHTERS, ex-NIRVANA) pour savoir si son studio serait dispo pour nous. Lorsqu'il a appris ça, Dave était super excité : "Waouh, DEATH ANGEL ! Ces mecs sont des légendes !". On a pu avoir son studio. Quant à Nick, nous sommes devenus très amis avec lui. Bosser avec lui c'était une partie de plaisir, mec. Ce gars nous a poussé dans nos derniers retranchements, il nous a exploité jusqu'à la moelle : je rentrais le soir, j'avais l'impression d'avoir les doigts en sang ! Il a extrait le meilleur de nous tous, c'était clairement une expérience de studio terrible avec lui. Inoubliable.

(P) : Il est vrai que Killing Season est un pur album de DEATH ANGEL. Je le trouve même plus "in your face" que The Art Of Dying. Qu'en penses-tu ?

(R) : C'est clair. On ressent à l'écoute de Killing Season ce que je mentionnais il y a quelques minutes. Pour ce nouvel album, nous étions plus confiants en nous car depuis nous nous étions redécouverts. Il régnait quelquechose qui m'a fait penser aux sessions d'enregistrement d'Act III. Killing Season est plus agressif, plus sombre, plus sérieux encore. Tu ajoutes à ça le savoir faire de notre nouveau producteur qui nous a vraiment boosté. Brian Dobbs (producteur de The Art Of Dying) était un bon producteur mais il n'aurait pas pu nous pousser et nous stimuler comme a pu le faire Nick. The Art Of Diyng il y a 4 ans marquait le retour de DEATH ANGEL mais un groupe en train de se retrouver, de se redéfinir et qui voulait montrer aux fans qu'il avait encore des choses à dire. Alors qu'avec Killing Season, nous avions tout bonnement l'ambition de faire un album du tonnerre.

(P) : Quelques mots sur le processus de composition ?

(R) : Le processus en lui même n'a pas été tellement différent. Nous n'avons pas changé la façon d'opérer et tout le monde s'est impliqué dans le travail d'écriture et de composition à son niveau. Mais cette fois, nous avons été plus efficaces, plus loin dans les idées ... et nous avons d'ailleurs écrit beaucoup plus de morceaux que ceux qui figurent sur Killing Season, qui sont le résultat d'une sélection. Mais nous avons encore du matériel en stock.

(P) : Vous allez présenter l'album sur scène lors d'un concert spécial avec FORBIDDEN en première partie, encore une légende du thrash des années 80 ...

(R) : Oui, c'est le 29 Février (date de sortie de l'album) et ça va être excellent ! Lors de la tournée Act III il y a 18 ans, c'était eux qui ouvraient pour nous aux US et en Europe et on a passé de putain de moments avec ces mecs. Quand j'ai appris que FORBIDDEN s'était reformé, on les a contacté en leur rappelant cette tournée Act III et en leur demandant s'ils voulaient bien ouvrir pour nous au cours de cette soirée unique.

(P) : Que penses-tu justement de toutes ces reformations des grands groupes thrash des années 80 (EXODUS, FORBIDDEN, HEATHEN, vous) et aussi du regain de popularité de groupes comme ANTHRAX ou TESTAMENT ces dernières années ? Et même au niveau de la scène allemande par exemple (DESTRUCTION, KREATOR) ?

(R) : J'en suis très heureux bien sûr. A la grande époque, nous étions une grande famille. Nous étions chacun en compétition amicale car tous les groupes se connaissaient et se respectaient l'un l'autre. Aujourd'hui, tout le monde peut voir DEATH ANGEL, FORBIDDEN ou TESTAMENT qui est en train de préparer un nouvel album d'ailleurs. Je leur souhaite tout le bonheur du monde.

(P) : Est-ce que tu penses que ce revival et ce regain d'intérêt pour le thrash "old school" est dû au succès des groupes metalcore comme CHIMAIRA, LAMB OF GOD ou autres SHADOWS FALL qui proclament ouvertement avoir écouté et été influencés par le thrash des années 80 quand ils étaient jeunes ?

(R) : Ce que je sais, c'est que dans nos concerts nous voyons pas mal de jeunes nouveaux fans. Les groupes que tu évoques ont effectivement pas mal de succès et je pense que le fait d'évoquer leurs influences dirige également ces jeunes fans vers des groupes plus anciens comme nous. Et c'est tout bénéfice pour nous car nous souhaitons que notre musique soit entendue et appréciée par le plus de monde possible. En ce qui nous concerne et c'est le cas des autres groupes reformés de notre génération - j'en suis certain -, c'est que nous ne faisons pas celà pour gagner le plus de pognon possible. Nos intentions sont les pures et claires. Ce qui nous a motivé, c'est l'amour que nous portent nos fans à nous et à notre musique. C'est ça qui nous fait continuer.

(P) : Pour terminer, je vais te poser une question assez générale mais qui a son intérêt. Quel est selon toi la différence entre le DEATH ANGEL des années 2000 et celui de la fin des années 80, alors que vous étiez de jeunes loups prêts à conquérir le monde :) ?

(R) : Plus de maturité. Plus d'expérience. Nous n'avons plus évidemment la même naïveté et la même mentalité que lorsque nous étions adolescents. Et puis tu es ... plus vieux aussi (rire). Imagine toi alors que tu étais un jeune ado et ce que tu es aujourd'hui. La différence entre les 2 DEATH ANGEL se ressent au niveau de notre musique : plus mature, nous jouons mieux de nos instruments, nous contrôlons davantage notre musique. Rien qu'à comparer des vidéos d'époque et d'autre d'aujourd'hui, ça saute aux yeux. Nous sommes vraiment fiers aujourd'hui de ce que nous avons réalisé et de ce qu'est devenu DEATH ANGEL.